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Challenges.fr, par Nicolas Stiel


Rosatom, un ami qui vous veut du bien ? Devant les difficultés de la filière française, le Russe veut se rendre indispensable et aimerait bien intégrer le nouveau tour de table d’Areva.


Le géant nucléaire russe Rosatom aimerait bien intégrer le nouveau tour de table d’Areva. Que ce soit dans la partie des réacteurs Areva NP repris par EDF, épaulé par le Japonais Mitsubishi et le Chinois CGN ou dans la partie des activités du cycle du combustible (Areva New Co). «L’entrée dans le capital d’Areva n’est pas exclu, mais l’Etat français n’est pas très partant », a indiqué ce matin, lors d’une conférence de presse, Andrey Rozhdestvin, directeur de la filiale française. Aujourd’hui, il n’y a pas de négociations (entre Rosatom et Areva). Mais l’arrivée des Japonais et des Chinois dans leur capital nous inquiète car Areva est notre partenaire.»


Le propos a le mérite de la franchise. Rosatom ne s’intéresse d’ailleurs pas qu’à Areva, mais à l’ensemble de la filière nucléaire française. Les liens unissant le nucléaire russe et français sont anciens a rappelé Andrey Rozhdestvin. «Dès 1971, Tenex (l’organisme soviétique chargé de l’exportation, NDLR) commercialisait un service d'enrichissement nucléaire au Commissariat à l’énergie atomique.» Quant au projet Iter (fusion nucléaire), il remonte à 1985, lors d’un sommet entre François Mitterrand et Mikhaïl Gorbatchev. Avec EDF, Rosatom coopère sur une centrale en Bulgarie. «Ensemble, on a réalisé la prolongation de la tranche 5 et comme le client est satisfait, on va maintenant travailler sur la tranche 6», indique Andrey Rozhdestvin.


En avril dernier, Rosatom et EDF ont conclu un accord de coopération scientifique et technique pour améliorer la sûreté des centrales russes. Le conglomérat s’est aussi associé à Engie dans les services nucléaires et même dans l’éolien. «C’est une nouvelle activité pour nous, indique Andrey Rozhdestvin. On vient de remporter un appel d’offre pour un parc de 600 megawatts en Russie.» Rosatom s’est également rapproché de Véolia avec lequel il a conclu un deal dans le traitement de l’eau. Face à la pénurie d’ingénieurs nucléaires en France, le groupe propose ses services, via une coopération avec son institut de formation «Mephi».


Rosatom, un ami qui vous veut du bien ?


Mais c’est bien sûr Areva qui intéresse en premier lieu Rosatom. Avec la prochaine arrivée de Mitsubishi et de CGN dans Areva NP, une fenêtre s’est refermée. Le russe a sans doute raté le coche. Andrey Rozhdestvin n’a pas voulu dire si la perspective de l’élection de François Fillon (réputé proche de Poutine) en mai prochain pouvait changer la donne. Mais il a indiqué que sa société ne renonçait à rien. Il rappelle qu’avant la création d’Areva en 2001, Rosatom travaillait avec Framatome et la Cogema. «Il y a des contrôles commande d’Areva dans les réacteurs des centrales russes et on aimerait maintenant élargir notre coopération avec le groupe.»


Rosatom, un ami qui vous veut du bien ? Devant les difficultés de la filière française, le Russe veut se rendre indispensable. Areva accumule les retards et les surcoûts dans son EPR d’Olkiluoto en Finlande ? Rosatom propose son concours. « Une coopération est possible en Finlande», suggère Andrey Rozhdestvin. La Finlande intéresse d’autant plus Rosatom qu’il développe lui-même à Hanhikivi un réacteur de troisième génération. Et contrairement à Areva, le Russe peut se prévaloir d’avoir réussi à lancer le sien, le VVER 1200 megawatts. C’était le 20 mai dernier, à Novovoronej, à 500 kilomètres au sud de Moscou. Rosatom a d’autres projets de centrales 3G, notamment en Hongrie et en Turquie. Des projets dans lesquels Areva pourrait trouver sa place. «Areva est une société incroyable, s’enthousiasme Andrey Rozhdestvin. Il y a dans le domaine du cycle du combustible et du retraitement des déchets, des technologies qu’ils sont les seuls à maîtriser. Areva et Rosatom pourraient travailler ensemble et proposer des services à certains pays.»


Et le patron de Rosatom France de poursuivre : « L’ilôt nucléaire, la salle des machine et le contrôle commande des centrales, on peut les faire avec la France.» Avec la France, mais sous l’autorité d’un chef de file qui s’appellerait Rosatom. Trente ans après la catastrophe de Tchernobyl, l’ancien ministère russe de l’atome (Minatom) n’a jamais été aussi puissant. Le géant qui emploie 255.000 personnes dans quarante pays peut construire entre six et sept réacteurs par an. L’an dernier, il a réalisé un bénéfice d’environ 2 milliards d’euros pour 13 milliards de chiffres d’affaires. Il vise à terme entre 25% et 30% du nucléaire mondial.


https://www.challenges.fr/entreprise/energie/pourquoi-rosatom-tend-la-main-a-la-france_444801